Nadal aux abonnés absents

 
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Impérial en 2010, vainqueur alors de trois tournois du Grand Chelem, Rafael Nadal est tombé peu à peu dans un cauchemar qui ne semble jamais vouloir prendre fin. La faute à qui ? À Novak Djokovic qui a sapé le moral de l’ex-numéro un mondial, et remis en doute les certitudes du Majorquin. Analyse d’une saison qui a tourné au vinaigre et perspectives pour 2012.

On le pensait sérieusement parti pour une longue domination. Fin 2010, Nadal sortait d’une saison époustouflante, conjuguée de trois titres du Grand Chelem, dont son premier à l’US Open. Une consécration pour un joueur qui a forgé sa légende sur la terre battue, avant de peu à peu s’exporter sur les autres surfaces, et déloger de Wimbledon le maestro Federer. Justement, le Suisse n’avait guère brillé cette saison-là, tandis que Djokovic et Murray sortaient d’une saison convaincante, mais tous deux paraissaient encore trop juste pour le haut niveau. Légitimement alors, on s’était dit que Rafa allait dominer son sujet la saison d’après. Mais un homme en a décidé autrement.

Novak Djokovic est celui qui peut se targuer d’avoir fait plonger Nadal dans le doute. Et ce n’est pas une mince performance, quand on connaît les capacités mentales hors du commun du plus grand joueur de terre battue de l’histoire du tennis. Qu’il mène aisément, ou se retrouve au bord de la défaite, Nadal est le même : déterminé, concentré et toujours avec la soif de victoires. Nadal ne lâche jamais un match, et est prêt à terminer une rencontre même blessée. On a parfois reproché au Majorquin d’en faire trop, mais son caractère est le sien, et depuis sa plus tendre enfance, «tonton Toni» lui a véhiculé ces valeurs de combat et de souffrance.

Seulement voilà, depuis une série de six défaites face au Serbe, chacune en finale (Indian Wells, Miami, Rome, Madrid, Wimbledon et US Open), la sacro-sainte confiance de Nadal s’est envolé, balayée par la tornade Djokovic, qui a remporté tout (ou presque) ce qu’il a entrepris. Rafa s’est retrouvé avec Djokovic dans la position qu’il inflige régulièrement à Federer, à savoir un complexe d’infériorité et une incapacité à prendre le dessus sur son adversaire.

Globalement, Nadal présente des ratios victoires/défaites en sa faveur face aux adversaires. En effet, rares sont ceux qui peuvent brandir un nombre de victoires plus importantes que de défaites sur l’ogre majorquin. Ils sont huit, donc 3 ont affronté Nadal avant 2005, c’est-à-dire que le futur phénomène n’explose littéralement. Sur l’actuel top 5 mondial, Nadal présente des ratios positifs, et c’est toujours le cas en ce qui concerne ses rencontres face à Novak Djokovic. Mais contre ce dernier, la dynamique est totalement inversée. Djokovic a donc gagné six des derniers matchs qui l’opposait à Nadal. Et a infligé de sérieuses «blessures» mentales à l’Espagnol.

Ce dernier se croyait en effet supérieur contre le Serbe. Les précédentes confrontations s’étaient globalement soldés par des victoires. Avant 2011, Nadal l’avait battu 16 fois pour 7 défaites seulement.

Le neveu de Toni Nadal fait un véritable complexe face à son nouveau grand rival, celui qui lui a volé la vedette cette année. Le Serbe parvient merveilleusement bien à faire échec au jeu de l’Espagnol. Prenant la balle tôt par rapport au reste du circuit, le Serbe court-circuite donc le lift, principale arme du numéro 2 mondial. Djokovic s’appuie également sur un retour de service monstrueux, qui empêche souvent son adversaire de faire le jeu sur son propre engagement. Dans le jeu justement, Djokovic possède une qualité qui a longtemps fait la marque de fabrique de celle de Nadal : aller chercher toutes les balles, même celles qui paraissent irrécupérables. Dans ses jeunes années, on se souvient des longs marathons de l’Ibère en fond de court, à rattraper des balles extraordinaires, et enfiler des kilomètres sans s’arrêter. Aujourd’hui, la défense de Nadal s’est quelque peu délité, son physique en a forcément pris un coup avec le poids des années. C’est au tour de Djokovic de mettre en place une défense, qui force l’adversaire à multiplier les coups risqués pour tenter de le dépasser. La mobilité du Serbe est remarquable.

Nadal a donc perdu toutes ses certitudes sur son jeu, et son mental s’en retrouve affecté. Les deux sont liés. Il n’y a qu’à voir son parcours à Roland-Garros, où il a péniblement passé les premiers tours, à cause d’un jeu balbutiant. Isner l’a poussé au set décisif, Muller l’a sérieusement bougé pendant les deux premiers sets (7/6 7/6 6/0). Bref, le jeu de Nadal est plus poussif qu’avant, et cela est lié évidemment aux défaites face à Djokovic. Ce dernier lui a montré ses limites, que son jeu et ses plans étaient possible à contrecarrer, même sur terre battue. C’est également cette donne qui a bouleversé Nadal, le fait qu’il ne soit plus celui qui domine l’ocre. Et cette certitude, que Nadal a perdu de sa superbe et est plus prenable s’est bien sûr propagé dans tout le circuit, et plusieurs joueurs profitent des difficultés actuelles de l’Espagnol (Florian Mayer et Ivan Dodig l’ont battu par exemple).

Lundi, contre Federer, Nadal a subi une nouvelle déconvenue (3/6 0/6), qui symbolise bien l’état dans lequel il est en cette fin de saison. Démobilisé, Nadal l’est. Il se tourne désormais sur 2012 («je serai prêt pour la saison prochaine»), mais également sur la finale de Coupe Davis. Cette année est à oublier d’un point de vue personnel. Il est intéressant de constater qu’en 2010, Nadal a remporté 7 titres et a atteint deux finales. En 2011, il n’a gagné que trois titres et perdu 7 finales. Si tout n’est pas à jeter dans cette saison, le niveau déjà atteint par Nadal nous fait dire que cette saison est décevante. En grand champion qu’il est, Nadal lui-même reconnaît que sa saison est moins bonne qu’il ne l’espérait.

Au vu de ses derniers matchs (sur les trois derniers, Nadal a perdu deux fois, encaissant à chaque fois un 6-0 dans le dernier set!), Nadal ne peut pas prétendre à redevenir le meilleur joueur de tennis au monde. Sa rupture ne lui a pas permis de vraiment se reposer (il était chancelant après son éprouvant succès sur Mardy Fish), et il est probable qu’il en soit de même pour la coupure d’entre-saison. Il lui faudra fournir un colossal travail mental, physique et technique pour revenir au sommet. Mais il ne faut pas non plus avoir la mémoire courte. En 2009, Nadal avait déçu, souvent blessé et quelque peu à côté de la plaque mentalement (notamment à cause du divorce de ses parents), et il était donc revenu en 2010 en pleine forme. Nadal peut-il nous refaire le coup ? Réponse en janvier prochain.

Et une victoire en Coupe Davis pourrait le relancer. Ce n’est pas cela qui a permis à un dénommé Djokovic d’affirmer sa suprématie sur le tennis mondial?

Jérôme COLLIN

Auteur: Alex

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